Carte blanche issue du site web du quotidien Le Soir datant du 2 janvier 2017.
Le gouvernement fédéral concocte une dangereuse et insidieuse fragilisation de la sécurité sociale, dénoncent dans une carte blanche le front commun syndical et les mutuelles.
Vendredi 16 décembre dernier, sans grand retentissement, sur proposition des ministres De Block et Borsus, le gouvernement fédéral a posé des jalons importants vers une réforme du financement de la sécurité sociale. L’adaptation du financement pour tenir compte de la réforme de l’Etat, la réforme du financement alternatif et la réactivation – temporaire – de la dotation d’équilibre portent des coups sévères à l’essence même du modèle de sécurité sociale. Ce projet de réforme ne doit pas être passé sous silence. A terme, il risque de rompre complètement l’équilibre d’une sécurité sociale qui fera désormais l’objet d’arbitrages politiques ancrés dans la loi.
Le projet de loi proposé a partiellement suivi l’avis que les partenaires sociaux avaient rendu en juillet 2015 : neutralisation de l’impact sur le budget de la sécurité sociale de la 6e réforme de l’État, simplification du financement alternatif (TVA et précompte mobilier), transfert des dépenses qui ne devraient pas relever de la sécurité sociale (ce qu’on a appelé les « œufs de coucou ») vers les départements concernés et le rétablissement, à partir de 2017, de la dotation d’équilibre (mais seulement pour 4 ans). Tous ces éléments passent largement au second plan en raison d’un sous-financement larvé (en raison d’une surestimation des effets retour) et du mécanisme dit de « responsabilisation ».
Le gouvernement fédéral concocte ainsi une dangereuse et insidieuse fragilisation de la sécurité sociale.
La « sécu » affaiblie par un financement instable
Le mécanisme dit de « responsabilisation » inclus dans le projet de loi revient en fait à ancrer dans la loi un levier qui permettra, lors de chaque discussion budgétaire, d’entamer au préalable un débat sur des « économies antisociales » et de remettre en cause les accords conclus entre partenaires sociaux. Nous connaissons déjà ce type de discussions avec le gouvernement actuel. Il en fut ainsi lors de la confection du budget 2017. La nouveauté est que ce marchandage aux dépens de la sécurité sociale serait désormais ancré dans la loi. Il se reproduira donc à chaque discussion budgétaire, tout comme ne cessera de se renforcer le déséquilibre criant entre le laxisme en termes de recettes fiscales et la rigueur à l’encontre des allocataires sociaux et des soins de santé.
A l’avenir, la sécurité sociale sera donc encore plus exposée à des arbitrages politiques permanents.
La mort de la cohésion sociale
Ce texte de loi affaiblit aussi significativement la concertation sociale à divers niveaux (remise en question des accords sociaux, mise sous tutelle des Comités de gestion…). Il autorisera en effet le gouvernement à corriger ou à ignorer des accords sociaux en fonction de leur impact budgétaire sur la sécurité sociale.
Il met également la sécurité sociale sous la tutelle d’une Commission Finance et Budget qui mettra à l’écart le Comité de gestion tripartite de la Sécurité sociale.
Ce « trompe-l’œil » d’une gouvernance soi-disant neutre et « technocratique » de la sécurité sociale cache surtout le renforcement du pouvoir du gouvernement. Pourtant, ce renforcement n’a guère de raisons d’être. D’une part, le gouvernement instaure déjà des mécanismes qui lui permettent d’imposer ses choix politiques. D’autre part, il attribue la responsabilité des mesures qui découlent de ses choix à d’autres, en l’occurrence les partenaires sociaux. Ceux-ci seront finalement contraints de proposer des mesures d’économies, le couteau sous la gorge et de s’assurer que le compte est bon.
En fin de compte, le gouvernement s’arroge subtilement, mais inexorablement, le droit de rétrécir la protection sociale. Alors même que les défis auxquels elle doit répondre sont de taille.
Répondre aux besoins de la population
Il est aujourd’hui essentiel de rappeler que les partenaires sociaux avaient plaidé, dès juillet 2015, pour un financement stabilisé de la sécurité sociale via une dotation d’équilibre pérenne qui offre la garantie que les ayants-droits pourront aussi bénéficier de leurs allocations sociales ou leurs soins de santé en fin d’année, non seulement jusqu'à fin 2020 mais aussi par la suite.
Dans le même ordre d’idée, il s’agit de renforcer le rôle des interlocuteurs sociaux sur l’avenir de la sécurité sociale au lieu de déstabiliser celle-ci. Enfin, il faut cesser d’appréhender la sécurité sociale comme un coût alors qu’elle est un élément essentiel de la cohésion sociale et du mieux vivre ensemble.
Elle est, en effet, un moyen de répondre aux besoins de la population. Les pensions doivent être garanties, les soins de santé doivent être remboursés et les invalides indemnisés ! La réalisation de ces objectifs n’est pas illusoire. La solution pour un financement équitable de la sécurité sociale est évidente : dans un premier temps, celui-ci passe inévitablement par une meilleure justice fiscale. Il n’est pas concevable que les politiques fiscales non-abouties du gouvernement aient pour conséquence de faire payer l’addition aux citoyens. Ceux-ci ont déjà donné, ça suffit !
Sans ce changement de cap que nous appelons de tous nos vœux, ce sera la fin de notre modèle de sécurité sociale.
Signataires :
Christian Kunsch, MOC Patrick Develtere, beweging.net Marc Leemans et Marie-Hélène Ska, CSC-ACV Luc Van Gorp et Jean Hermesse, MC-CM Rudy De Leeuw et Marc Goblet, FGTB-ABVV Michel Jadot et Jean-Pascal Labille, Solidaris Micheline Scheys et Paul Callewaert, Socialistische Mutualiteiten. Dominique Surleau, PAC Mario Coppens et Olivier Valentin, CGLSB-ACLVB
La Journée internationale des Migrants de ce 18 décembre, nous la dédions aux sans-papiers : ceux et celles dont on ne parle que peu, ou mal, dont la société dit ne pas vouloir, ceux et celles qui se trouvent au bout de la chaine de la citoyenneté et de la légitimité.
Manifestation à Bruxelles pour la régularisation pour les sans papiers. © Tijl Vercaemer
La cause des sans-papiers est passée sous silence... Elle est pourtant cruciale. Non seulement parce que leur situation s'aggrave de jour en jour, qu'ils sont la cible d'une politique migratoire belge marquée par une répression grandissante. Mais aussi parce que leur situation révèle jusqu'à quel degré les droits les plus fondamentaux communs à tous - et à travers eux, notre société - peuvent être attaqués.
Être sans-papiers en Belgique, c'est être là sans s'en voir reconnaitre le droit. C'est, à ce titre, courir le risque permanent de se faire arrêter, enfermer, expulser. De quoi condamner à vivre dans l'ombre et dans la peur 100 à 150.000 femmes, hommes et enfants, qui vivent en Belgique souvent depuis des années, y ont développé des attaches fortes - affectives, familiales, professionnelles - et estiment ne pas pouvoir rentrer dans leur pays, dévasté par les injustices et la violence.
Chaque jour, des personnes sans-papiers sont arrêtées - dans la rue, à leur domicile, à la commune ou encore à l'Office des étrangers - et sont envoyées en centre fermé, pour n'avoir commis d'autre délit que celui de ne pas disposer de titre de séjour. En 2015, 6.229 personnes ont été détenues dans ce cadre et 80% d'entre elles ont été renvoyées vers le pays d'où elles provenaient.
Ces mêmes personnes sont, de par leur situation ultra-précaire, exploitées quotidiennement sur le marché du travail. Le 18 décembre, qui commémore l'adoption de la Convention internationale sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, peut à ce titre d'autant plus leur être dédié. Les sans-papiers, sans sécurité ni droits, sont - plus encore que tous les migrants - instrumentalisés comme de véritables outils de dérégulation du droit du travail, permettant de faire pression sur le salaire de tous les travailleurs. La signature de cette convention par l'État belge et sa mise en oeuvre s'imposent d'urgence, pour que soit mis fin à cet esclavage qui ne dit pas son nom.
Chaque jour, des personnes sans-papiers sont arrêtées et sont envoyées en centre fermé, pour n'avoir commis d'autre délit que celui de ne pas disposer de titre de séjour.
Au-delà du risque quotidien d'arrestation et de leur exploitation au travail, les sans-papiers ont dernièrement fait l'objet d'une attention toute particulière de la part des autorités belges.
Le 16 mars 2016, Hamed, porte-parole du collectif des Afghans, était expulsé vers l'Afghanistan. Le 24 novembre dernier, c'était le tour de Sow, représentant du collectif Ebola, d'être renvoyé de force vers la Guinée-Conakry. En arrêtant ces deux leaders du mouvement des sans-papiers, les autorités donnaient un signal fort aux militants de la cause et privaient de nombreuses personnes de la voix qui leur était donnée sur la place publique.
Nous restons également marqués par l'évacuation du collectif La Voix des Sans Papiers, le 19 septembre à Molenbeek, qui s'est déroulée moyennant des dispositifs guerriers - hélicoptères et armes lourdes - pour déloger quelques personnes complètement désarmées. Régulièrement, des dizaines de personnes et familles sans-papiers sont évacuées du lieu inhabité qu'elles occupaient collectivement, pour avoir un toit mais aussi en vue de rendre leur cause visible. Trop souvent, ces collectifs sont évacués sur base de motifs bancals et ce, vers nulle part, sans qu'aucune alternative d'hébergement leur soit proposée, en hiver comme en été.
Dans sa note politique du 27 octobre dernier, le Secrétaire d'État à l'asile et à la migration annonçait sa volonté d'augmenter le nombre de places en centre fermé, d'étendre la durée de détention à 18 mois, et d'enfermer à nouveau des familles avec enfants. Il prévoit en outre une modification de loi permettant la violation du domicile - principe garanti par la constitution -, en vue de faciliter l'arrestation des personnes en séjour irrégulier.
Ces mesures répressives en cascade s'institutionnalisent l'une après l'autre et s'accompagnent de discours criminalisant, associant de manière répétitive et inlassable les qualificatifs d'étrangers, d'illégal et de criminel. Une association renforcée par des opérations telles que "Gaudi", véritables chasses aux personnes sans-papiers commettant de petits délits, permettant de focaliser l'attention sur une petite minorité, absolument non représentative de l'écrasante majorité.
De quoi donner raison aux personnes qui ont peur des étrangers, justifier les politiques mises en oeuvre à leur égard et ainsi produire une population exclue de toute citoyenneté, sans dignité ni droits.
La répression sévit et l'étau ne cesse de se resserrer autour des sans-papiers, dans une indifférence quasi générale, construite autour de fantasmes sécuritaires anti-migrants et oubliant la part de responsabilité de nos gouvernements, non fantasmée elle, dans les causes qui chassent ces personnes de leur pays. La logique ici dénoncée s'exerce certes de manière exacerbée vis-à-vis des personnes sans droit de séjour, mais les citoyens européens n'en sont pas épargnés.
Ce 1er décembre, comparaissaient devant le tribunal six passagers d'un avion qui, le 17 août dernier, s'étaient levés pour contester le traitement réservé à un homme que la police tentait de contraindre au retour vers le Cameroun. Le Secrétaire d'État a précisé qu'il lancerait les mêmes poursuites contre toute personne qui se manifesterait en ce sens et ce, au nom du "coût" élevé d'une expulsion échouée et de la "frustration" que cela peut générer chez les agents en charge de cette expulsion. Sans égard pour ce que peut ressentir la personne expulsée, ni pour la nécessité démocratique d'un contrôle citoyen.
La même répression est de mise pour les chercheurs d'emploi, les bénéficiaires de l'aide sociale, les ayants droit à l'aide juridique, soupçonnés a priori d'imposture et soumis à des contrôles toujours plus pressants.
Laisser ces mesures prendre le pas, c'est cautionner le déploiement sournois et progressif d'un tel modèle de gestion de la société dans son ensemble. Un modèle dangereux qui - il le montre déjà - a le pouvoir de faire déraper la démocratie et les libertés qui lui sont inhérentes. Difficile, sous cet angle, de taire le goût de déjà vu que le climat actuel dégage. Au final, les premiers visés ne sont pas les seuls à avoir souffert, c'est l'ensemble de la société qui en a été profondément meurtrie.
Alors, à bon entendeur : "C'est pas les immigrés, c'est pas les sans-papiers, c'est la loi qu'il faut changer",
Signataires :
CEPAG, CIRÉ, CNE, Coordination des sans-papiers, CSC, FGTB, Journal des Sans-Papiers, La Communauté du Béguinage, La Marche des Migrants de la région du Centre, Le Monde des Possibles Asbl, Migrations et Luttes Sociales, MOC, MRAX, Sireas/SASB, SOS Migrants.
Clip de la coordination des Sans Papiers : https://youtu.be/4ihES4OrrSk
Les organisations de la société civile européenne et canadienne appellent au rejet de l'AÉCG / CETA
Novembre 2016
Nous, soussignées, organisations de la société civile d'Europe et du Canada, tenons à exprimer ici notre profonde inquiétude par rapport à l'Accord économique et commercial global (AÉCG /CETA) entre l'Union européenne et le Canada.
Tout au long des négociations et de la phase de vérification juridique du texte, nous avons dénoncé à maintes reprises les graves problèmes que pose le texte de l'accord. Nous avons fait des propositions concrètes qui cherchaient à démocratiser nos politiques commerciales et à les rendre plus transparentes, tout en les recentrant sur la protection de l'environnement et la défense des droits humains fondamentaux. Mais comme en fait foi le texte de l'AÉCG / CETA tel que signé en octobre 2016, nos inquiétudes sont restées lettre morte et c'est pourquoi nous nous opposons résolument à sa ratification.
Un nombre croissant de citoyennes et citoyens des deux côtés de l'Atlantique partagent nos objections. Un chiffre record de 3 millions et demi de personnes à travers l'Europe ont signé une pétition contre l'AÉCG / CETA et son jumeau, l'accord de Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (TAFTA / TTIP) entre l'Union européenne et les États-Unis. Plus de 2 100 gouvernements locaux et régionaux se sont déclarés zones hors-TAFTA / hors-CETA. La constitutionnalité de l'AÉCG / CETA est contestée tant en Allemagne qu'au Canada, tandis que la Cour de justice de l'Union européenne se penchera vraisemblablement sur la légalité des privilèges controversés que l'accord octroie aux investisseurs étrangers... Lire la suite de cette position
Le Mouvement ouvrier chrétien a pris connaissance avec consternation de la note de politique générale du secrétaire d’État à l’Asile et la Migration. Cette note est malheureusement sans surprise tant elle suit, voire approfondit le sillon que creuse Théo Francken depuis le début de la législature. En toile de fond, il y a encore et toujours cette stigmatisation permanente dont les migrants font l’objet dans chacune des mesures prônées.
Parmi les priorités fixées, l’enfermement des enfants et des familles suscite tout particulièrement de fortes inquiétudes et l’indignation du MOC. Le secrétaire d’État annonce que des travaux seront réalisés à proximité du centre 127 bis en vue de l'implantation de logements fermés pour les familles. Ces logements constituant, selon lui, la phase finale de la politique de retour des familles. Théo Francken semble volontairement ignorer que la Cour européenne des droits de l'Homme de Strasbourg a déjà à 3 reprises condamné la Belgique pour avoir infligé des traitements inhumains aux enfants détenus dans ses centres. Et qu'en vertu du principe de l'intérêt supérieur de l'enfant, de nombreuses instances se sont prononcées contre toute mesure de détention visant les enfants en raison de l'irrégularité de leur séjour. Le MOC exige donc que l’on mette fin définitivement à l’enfermement des enfants qu’ils soient accompagnés ou non de leurs familles. Monsieur Francken semble ne pas aimer l’illégalité… nous lui demandons donc d’être cohérent quand il s’agit de respecter les condamnations.
Les autres mesures de la note de politique générale sont à l’avenant. La déclaration d’intégration des primo-arrivants, l’application systématique du règlement de Dublin, la limitation de la durée de séjour des réfugiés… sont autant de décisions qui rognent toujours plus les droits des migrants, précarisent davantage leur intégration et portent atteinte à leur dignité ! La vision du migrant qui s’en dégage est abominablement stigmatisante et renforce la peur, les préjugés et le racisme. Elles laissent entendre que les migrants veulent abuser de notre système, de notre hospitalité, que leurs valeurs ne sont pas conformes aux nôtres, qu’ils constituent une menace potentielle pour notre sécurité. Le MOC ne peut souscrire à cette conception qui va à l’encontre de toutes les valeurs de justice sociale, de solidarité, de respect et de dignité de la personne humaine.
En conclusion, le MOC souhaite s’adresser aux partenaires gouvernementaux du secrétaire d’État N-VA : combien de temps comptez-vous encore supporter des mesures et déclarations populistes qui flirtent toujours plus avec les limites de l’État de droit ? Une réaction s’impose !
Christian KUNSCH,
Président du MOC
Le CIEP organise sa prochaine journée d’étude d’actualité politique sur la problématique du changement climatique et de la transition écologique. Un an après l’accord de Paris et alors que les engagements pris par les Etats dans ce cadre sont absolument insuffisants pour respecter l’objectif de limiter la hausse des températures globales à +2°C, le CIEP a souhaité mettre cette question à l’agenda et donner à réfléchir quant aux stratégies à mettre en place en vue de faire face au défi climatique.
Date : Vendredi 18 novembre 2016
Lieu : Institut Cardijn – salle C02 - Rue de l’Hocaille 10, 1348 Ottignies-Louvain-la-Neuve
Inscription souhaitée pour le 14/11/2016 : francine.baillet@ciep.be
Participation aux frais : Gratuit
Repas Laissé au libre choix des participants sur le site de Louvain-la-Neuve
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