Carte blanche rédigée à l’initiative du RWADE et parue dans le journal Le Soir.
A l’occasion de la Journée mondiale de la santé, le 7 avril, différents acteurs du secteur social plaident pour le déploiement d’un plan de soutien à la rénovation énergétique des logements en Wallonie.
Notre région fait face à de multiples enjeux liés au logement – disponibilité d’une offre suffisante, accessibilité financière, offre de logements sociaux, etc. La question de l’efficacité énergétique prend également sa place à l’agenda politique : la réduction de la consommation énergétique des logements wallons, dont 70 % ont été construits avant 1970, est indispensable pour faire face aux enjeux des changements climatiques et d’autonomie énergétique, et à la lutte contre la pauvreté.
Des conséquences pathologiques
Si nous devons faire face collectivement à ces défis, nous ne sommes pas tous impactés de la même manière. Les personnes qui habitent des logements vétustes, mal isolés, disposent parfois à peine des moyens suffisants pour honorer leur facture d’énergie – quand ils ne doivent pas se priver pour arriver à nouer les deux bouts. Ne parlons même pas d’envisager, dans ces conditions, la réalisation de travaux de rénovation énergétique. De plus, étant bien souvent locataires, elles n’ont que peu de prise sur le logement. Ce « mal logement » n’impacte pas uniquement les factures énergétiques de ses habitants. Vivre dans une maison mal chauffée, présentant de l’humidité ou des moisissures, a également des conséquences sur la santé des habitants. Maladies respiratoires, cardiovasculaires, mentales sont autant de risques pathologiques qui ont été liés à la précarité énergétique. Si les deux premières catégories semblent assez logiques, la dernière peut découler de l’anxiété générée par l’inquiétude de ne pas être en mesure de payer la facture, l’isolement (on n’invite pas des amis chez soi quand il fait froid).
Des inégalités aggravées
Au-delà de ces impacts sur la santé des personnes, il est indispensable d’en aborder également d’autres, plus diffus mais tout aussi réels : les traitements médicaux, les hospitalisations, qui impactent la sécurité sociale, l’absence à l’école, l’impact sur les capacités d’apprentissage, qui auront une incidence sur tout le parcours de vie de l’enfant ; l’absence au travail, ou les opportunités ratées du fait d’un mauvais état de santé ; le manque de bien-être, tout simplement. Autant de facteurs qui aggravent les inégalités dès le plus jeune âge et tout au long de la vie.
Un cadastre indispensable
Divers plans et programmes wallons prévoient un panel d’actions visant à améliorer la qualité du logement, avec un regard spécifique sur la question de l’efficacité énergétique. Citons le Plan wallon de lutte contre la pauvreté, coordonné par le Ministre-Président, l’Alliance Emploi Environnement recentrée, ou encore la Stratégie de rénovation énergétique qui est en cours d’adoption, répondant aux exigences de la directive européenne sur l’efficacité énergétique. Dans sa version préliminaire, cette stratégie prévoyait le maintien des primes et prêts existants pour soutenir la rénovation énergétique, avec des montants plus élevés pour les ménages à revenus modestes. Mais ces interventions restent trop peu connues des publics susceptibles d’en bénéficier et, surtout, sont insuffisantes. Pour faire face aux enjeux sociaux, sanitaires et environnementaux générés par les logements vétustes, il est indispensable que la Région envisage de prendre en charge la rénovation des logements délabrés dont les propriétaires ne disposent pas des moyens suffisants pour assurer la rénovation. Mais pour pouvoir être concrétisées, il sera nécessaire de prioriser les interventions – et donc de disposer d’un cadastre du logement pour identifier les logements sur lesquels intervenir prioritairement – de renforcer la communication et de renverser le sens du déplacement : les services d’accompagnement doivent autant que possible aller sur le terrain « chercher » les personnes en difficulté (en développant pour ce faire une stratégie d’approche) et leur proposer une aide adéquate dans leurs démarches de rénovation.
Désobéir à l’UE, un mal peut-être nécessaire
A n’en pas douter, en cette période d’austérité budgétaire, la question du financement d’une telle mesure va poser problème. Nous souhaitons attirer l’attention sur trois points d’importance. A court terme, il convient urgemment d’utiliser les 40 millions d’euros issus de la mise aux enchères des quotas CO2, tel que prévu par la Déclaration de politique régionale. Ensuite, si l’on se penche sur l’ensemble des coûts pour la société générés par la précarité énergétique et le mal logement, le calcul est vite fait. L’institut Eurofound s’est ainsi essayé à l’exercice, et a publié une analyse en 2016 sur les coûts du mal logement ainsi que sur les bénéfices directs et indirects pour les soins de santé en cas de rénovation de ces logements. La conclusion est sans appel : les bénéfices dépassent, et de loin, les montants nécessaires pour la réalisation des travaux, et sans compter les retombées économiques. L’étude estime qu’en moins de 3 ans, les économies réalisées dans les soins de santé « équilibreraient » le coût des travaux de la rénovation de plus de 10 % des logements les plus inefficaces. Soit plus de 500.000 logements en Belgique ! Le troisième facteur est la nécessité de sortir ces investissements du périmètre de la dette, quitte à désobéir à l’Union européenne – dans son intérêt et celui de ses citoyens.
L’amplification du soutien apporté aux familles qui vivent dans des logements vétustes se concrétisera par une réduction de la facture énergétique, une amélioration de leur santé, une réduction des coûts de soins de santé. Elle permettrait également de rendre effective la place du logement comme outil fondamental d’équité et d’inclusion de tous. L’investissement massif dans la rénovation des logements générera une plus-value indéniable – et ce bien au-delà des économies de soins de santé, ou de réaffirmer la volonté d’un logement sain pour tous.
Les signataires : Thierry Bodson, secrétaire général de la FGTB Wallonne ; Jean-Pascal Labille, secrétaire général de Solidaris ; Marc Becker, secrétaire national de la CSC Wallonne ; Jean Hermesse, secrétaire général de la Mutualité Chrétienne ; Christian Kunsch, président du Mouvement Ouvrier Chrétien ; Christine Steinbach, présidente des Equipes populaires ; Christine Mahy, secrétaire générale du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté ; Etienne Cleda, directeur d’Empreintes ASBL ; Julien Galland, coordinateur de l’ASBL Revert ; Aurélie Ciuti, coordinatrice du RWADE ; La Fédération des services sociaux ; Inter Environnement Wallonie ; Le Réseau IDée ; Le Miroir Vagabond ; Solidarités nouvelles.