Carte blanche de la Plateforme de lutte contre le racisme et les discriminations parue dans La Libre Belgique du 18 mars 2017.
L’austérité, les attentats terroristes, la crise des politiques migratoires et la montée des discours populistes favorisent les replis identitaires, ainsi que l’expression d’un racisme décomplexé de la part d’une partie de la population et de la classe politique. La peur (bien légitime) de la violence internationale est instrumentalisée et divise la population. Ce contexte rend le discours antiraciste quasi inaudible. Entre-temps, l’attention est détournée des enjeux économiques et sociaux, des mesures d’austérité qui précarisent les travailleurs et qui créent une société de plus en plus inégale.
Les replis identitaires se construisent sur un ensemble de peurs savamment exploitées. L’accroissement des inégalités, la désaffiliation et la perte de confiance dans les institutions politiques en sont des causes majeures. Dans un tel climat, la tentation est en effet forte de se replier sur soi et de stigmatiser l’autre.
Il y a urgence
L’assignation identitaire, c’est la réduction d’une personne à l’une de ses caractéristiques ou appartenances, réelles ou supposées. Elle est le cœur même des idéologies racistes. Pourtant, les identités de chaque personne (qui se rapportent à ses origines, groupes linguistiques, genre, âge, classe sociale, statut socioprofessionnel, famille, préférences sexuelles, engagements, convictions…) sont multiples et évolutives et composent un être unique.
Le regard raciste catégorise, généralise et enferme les individus au sein d’un groupe fantasmé. En opérant un classement entre "eux" et "nous", le racisme justifie des "avantages" pour les uns et des "désavantages" pour les autres, et légitime ainsi un système discriminatoire. Le racisme se développe fréquemment dans des contextes de rupture des liens sociaux et remplace les liens de solidarité par des liens mythiques, évoqués dans des récits de type nationaliste.
L’urgence est de réinventer des moyens pour préserver et pour renforcer ces liens de solidarité qui sont au fondement de notre vivre ensemble. Ces liens se concrétisent notamment par une sécurité sociale qui protège les droits fondamentaux de chaque personne - dont celui d’accéder à un niveau de vie décent basé sur un principe d’égalité, quels que soient notamment son origine, son âge ou son état de santé.
Le rôle de l’Etat est en ce sens primordial. Et le rôle des mouvements citoyens, qui militent pour le respect des droits fondamentaux, est essentiel pour l’existence d’une véritable démocratie. C’est pourquoi il est nécessaire d’encourager les initiatives pour le développement d’une société plus égalitaire, plus libre, plus solidaire, et qui visent à déconstruire l’imaginaire raciste dans les entreprises, à l’école, dans les médias, dans la vie associative.
Le travail de la plateforme de lutte contre le racisme et les discriminations se situe au cœur des grands enjeux induits par les mutations de notre monde contemporain. Face au repli, à l’assignation identitaire et au racisme, des associations se mobilisent. Elles tentent de construire un nouveau récit commun, égalitaire et émancipateur, qui transcende nos identités multiples et variées dans une solidarité collective, et qui réaffirme par la même occasion l’importance de l’ouverture au monde et aux migrations.
Luttons ensemble
Nous, organisations de lutte contre le racisme, voulons, à la veille de la première commémoration douloureuse des attentats de Bruxelles et à l’occasion du 21 mars (la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale), rappeler l’importance de développer dans tous les domaines cette culture d’ouverture et de solidarité. Nous appelons les forces vives du pays à préserver la démocratie des dangers du racisme, en combattant l’instrumentalisation de la peur et la propagation de la haine, et en participant à l’édification d’une société plus égalitaire.
C’est pourquoi nous invitons les citoyens, les politiques, le monde associatif, les syndicats, les employeurs à dépasser leurs divergences de vue, pour lutter ensemble contre le racisme et les discriminations, en y associant les personnes et les associations directement concernées par cette lutte, et avec la ferme volonté de donner un nouvel élan à la lutte contre le racisme.
Voici la liste des 46 associations signataires : 2bouts, ADDE Association pour le droit des étrangers, Almouwatin Radio et TV, Amnesty International Belgique francophone, AWSA-Be (Arab Women’s Solidarity Association - Belgium), BePax, CAI (Centre d’action interculturelle de la Province de Namur), CAL Centre d’action laïque, CAL-Liège, Carrefour des cultures, CBAI (Centre bruxellois d’action interculturelle), CCLJ (Centre communautaire laïque juif), Cefoc Centre de formation Cardijn, Cemea (Centre d’entraînement aux méthodes d’éducation active), Centre de médiation des gens du voyage, Cepag (Centre d’éducation populaire André Genot), Ceraic (Centre régional d’action interculturelle du Centre - La Louvière), CFS (Collectif formation société), CGSLB Bruxelles (Syndicat libéral), CIMB (Centre interculturel de Mons et du Borinage), Cire (Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers), CNAPD (Coordination nationale d’action pour la paix et la démocratie), CNCD-11.11.11, CRIBW (Centre régional d’intégration du Brabant wallon), Cric (Centre régional d’intégration de Charleroi), CRVI Centre régional de Verviers pour l’intégration, CSC Bruxelles, CSC Confédération des syndicats chrétiens, CSC-Enseignement, FGTB Fédération générale du travail de Belgique - Bruxelles, FGTB wallonne, Le Centre Avec, Le Monde des possibles, Les Scouts, Les Territoires de la mémoire ASBL, Ligue des droits de l’enfant, Ligue des droits de l’homme, Lire et Ecrire, Maison de la laïcité de la Louvière, Media Animation, MOC (Mouvement ouvrier chrétien), Mrax (Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie), Objectifs, PAC (Présence et action culturelles), Sel-Setca, Sireas.